
HOTEL
Un design étudié pour Instagram
Imaginer un instant un monde virtuel qui pénétrerait l'endroit parfait ? Une idée saugrenue ! Peut-être là n'est pas la question. Alors qu'à Londres, en échange de quelques euros, vous pouvez vous prendre en photo dans des décors spécialement dédiés à alimenter votre fil d'Instagram, ce fut l'idée originale de cette usine à selfie qui a vu le jour récemment. La «Selfie Factory» est un studio de photographie éphémère installé à Westfield, l’un des plus grands centre commerciaux d’Europe, à Londres. Et existe réellement. Du coup, on s'est imaginé dans l'Hôtel Selfie factory. Enfin pas réellement "Imaginé" puisque de nombreux hôtels ont décidé de lancer leur guide pour des lieux les plus instangrammables dans leur infrastructure. Entre parano, égocentrisme et marketing, Jet-lag Magazine n°15 lève le voile sur ces pratiques.
Par Christel Caulet
octobre, 2019
DECOR DE REVE
Vous aussi, vous avez sans aucun doute chercher déjà à trouver le meilleur angle pour prendre la plus belle photo de votre fil Instagram. Peut être même que vous auriez voulu contrôler la lumière, pouvoir placer un meilleur éclairage pour préciser un détail de votre photo. Qu'on le veuille ou pas, on s'était tous pris déjà à ce piège qu'est Instagram, le réseau social en photo. Ephémère certes mais bien réel comme l’espace, qui contient déjà une vingtaine de pièces à thème. Vous aurez le choix entre un mur de donuts, un énorme ours en peluche, une salle de restaurant typique des années 50... Autant de décors de rêve pour actualiser son fond d’écran ou récolter des «likes» sur les réseaux sociaux. Cet espace existe et est même devenu un de ces épiphénomènes de société en Asie et aux États-Unis. Ce lieu a été entièrement imaginé par son propriétaire Will Bower, 26 ans qui s'était rendu compte que lorsqu'il voyageait avec sa copine, il était toujours à la recherche des meilleurs spots pour leurs photos destinées à Instagram. D'ailleurs, si vous cherchez sur Internet, vous trouverez de nombreux articles sur ces fameux lieux instagrammables dans chaque grande ville. Doit on s'en inquiéter ou au contraire faut il développer ce type de comportement ?

"On ne fait rien de mal. On aide juste nos clients à améliorer leur photo à leur indiquant les lieux les plus adaptés pour communiquer. Notre clientèle n'est pas très jeune, on s'est dit qu'il fallait les guide pour les aider à s'améliorer. Voilà comment est né le concept."

Pourtant, le virtuel rattrape vite la réalité avec un design à la Instagram. Difficile aujourd’hui de ne pas trouver un hôtel sur ce réseau social, certains se sont même batis de véritables réputations de lieux parfaitement instagrammables. Sauf que récemment le Royal Hideaway Playacar, un magnifique hôtel au nord est du Mexique, a poussé le vice de donner un guide des meilleurs spots dans l'hôtel de rêve pour faire des photos pour Instagram à leur clientèle. Pour Irery Franco, la responsable de l'hôtel, la démarche est normale : "On ne fait rien de mal. On aide juste nos clients à améliorer leur photo à leur indiquant les lieux les plus adaptés pour communiquer. Notre clientèle n'est pas très jeune, on s'est dit qu'il fallait les guide pour les aider à s'améliorer. Voilà comment est né le concept. " Au milieu de ces plages bordées de cocotiers et de palmiers et des terrasses avec piscines, les 200 chambres de l'établissement ont été améliorées à cette fin. "On a ajouté quelques petits éléments de décoration pour les aider dans cette démarche et pour rendre le lieu plus jeune."Bien sur, on espère aussi attirer ainsi des jeunes qui ne seraient peut être pas venus initialement dans cet hôtel." Et ainsi doper la visibilité de l'établissement sur les réseaux sociaux.

Geste interessé ?
A l'autre bout de la planète, sur une de nombreuses îles paradisiaques que comptent les Maldives, l'hôtel le Conrad Rangali Island surfe sur cette tendance en mettant à la disposition des touristes les services d'un "Instagram Butler" ... Comprenez un concierge optimisé qui les aidera dans la gestion de leur compte personnel, de manière à rendre jaloux le monde entier. L'idée peut vous paraitre dingue, pourtant c'est bien un service supplémentaire qui existe désormais. Sachez que un simple chambre dans cet hôtel coute déjà 1000€. De quoi vous aider à réfléchir sur les intérêts de cette marque à développer sa notoriété et son image à l'insu du plein grée de sa clientèle. Mais à aucun moment la marque parle de rétribuer le parfait cliché par une remise ou un geste commercial. De quoi se poser la question sur la finalité de cette attitude.


Rendre un décor instagrammable
Si vous êtes amateurs de voyages, vous avez déjà du remarquer la file d'attente devant un beau paysage pour prendre le cliché qui fera pleuvoir les likes sur Instagram. Lors d'un voyage en Afrique du Sud, lorsqu'on est arrivé au cap de Bonne Espérance, une queue impressionnante nous a été imposée pour prendre une photo du lieu. Certains hôtels à Bali installent des balançoires spécialement pour faire le parfait cliché et promouvant ainsi indirectement une destination en lui imposant des clichés touristiques. Un reproche que l'on pourrait faire à Lisa Calipsa, une photographe d'origine russe installée à Bali qui a créé une agence de voyages totalement dédiée à Instagram. En échange de 300 à 500 euros, elle prends ses clients toute la journée pour les aider à shooter au mieux les villes où ils sont. "Bien sur, on va dans des lieux instagrammables, 4 à 5 sites totalement dédiés à ces visites pour shooter au mieux ces lieux. "
Optimiser l'expérience du touriste en lui donnant de quoi alimenter son fil Instagram.
Un besoin générationnel ?
Alors est ce que vous aussi, vous prenez au jeu de prendre le cliché tant espéré ? Et quel regard portez vous sur le travail de vos amis ? Comment le jugez-vous ? Car quoiqu'on en dise, les études scientifiques pointent déjà les retombées pour cette génération totalement dépendante d'Instagram. Peut être qu'à terme on parviendra également à mesurer les dommages pour eux de ne plus être capable de discerner le vrai du faux. Dans tous les cas, les questions légitimes sur ce contrôle de l'image se posent désormais.


